J’ai lu ce matin dans le Figaro un article très instructif sur la réforme des collectivités territoriales, dont la teneur inquiétante s’ajoute à celle d’une indiscrétion d’Alain Marleix, secrétaire d'État à l'Intérieur et aux Collectivités territoriales, parue cette semaine dans le magazine L’Express.
Alors que le projet de réforme des collectivités locales m’intriguait jusqu’à présent, étant surpris par l’empressement de l’Elysée à moderniser une décentralisation qui, sur le principe, en a en effet bien besoin, j’ai subitement compris le fin mot de cette histoire.
Cette réforme est inspirée par l’intention principale mais masquée, d’introduire dans la vie politique française le scrutin majoritaire à un tour, en l’instaurant, au moins dans un premier temps, pour l’élection des futurs Conseillers territoriaux devant siéger dans les assemblées départementale et régionale. L’objectif immédiat est de verrouiller le seul espace de liberté démocratique et électorale qui échappe au président et à sa majorité.
Car depuis plusieurs décennies, l’élection des Conseillers généraux dans le cadre cantonal s’effectue à deux tours de scrutin, ce afin de préserver le pluralisme et la vitalité de la vie politique locale, élément fondateur de notre démocratie. Hélas, l’instauration d’une élection à un tour de scrutin pour les futurs Conseillers territoriaux va détruire cette précieuse respiration démocratique.
La dose complémentaire de proportionnelle que le président de la République propose d’introduire n’est qu’un trompe-l’œil : car avec 20% d’élus à la proportionnelle comme envisagé, dans une assemblée par exemple de 10 Conseillers territoriaux, les 2 sièges attribués à la proportionnelle reviendraient automatiquement aux deux partis dominants, UMP ou PS.
L’introduction de l’élection à un tour dans notre système politique constitue donc bel et bien le cœur de la réforme gouvernementale des collectivités locales. Elle aurait pour effet :
- de supprimer la représentation des petites formations dans les territoires ; - d’imposer la suprématie des partis dominants dans la démocratie locale ; - de politiser de manière contreproductive la vie politique cantonale, où l’existence actuelle de nombreux élus indépendants et sans étiquette (non-inscrits) garantit une représentation efficace et légitime des électeurs.
Cette réforme électorale est inadmissible. Jamais sous notre République il n’y a eu de scrutin majoritaire à un tour et cette évolution ouvrirait une brèche dans laquelle pourrait s’engouffrer des réformes électorales aux conséquences encore plus lourdes. Aujourd’hui les Conseillers territoriaux, demain les Députés ? En cherchant éventuellement à imposer aux parlementaires ce mode de scrutin scélérat, le président de la République réduirait l’expression électorale des Français au seul duopole PS / UMP. Deux partis de moins en moins représentatifs des courants de l’opinion… Ce serait toute la marche bicentenaire à la démocratie dans notre pays qui serait remise en cause.
On peut craindre d’ailleurs que ce coup de force aboutisse au désintérêt massif de nos concitoyens pour les élections, à moins qu’il ne conduise à la révolte des électeurs qui iraient chercher dans la rue ce qu’ils ne trouveraient plus dans les urnes.
Contrôle accru des médias, pressions de plus en plus fortes sur les journalistes, mise à l’index d’internet jugé coupable de montrer et de dire ce qu’ont parfois du mal à montrer certains médias traditionnels, menace sur les internautes avec l’Hadopi, et maintenant spectre d’un verrouillage généralisé de la vie politique par la manipulation des modes de scrutin… Mais où donc tout cela va-t-il nous mener ? Cette fuite en avant autoritariste aura-t-elle une fin ?
Il est temps que les Républicains, tous les vrais démocrates, opposent un holà ferme à ces débordements du pouvoir exécutif en France.
NDA